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Dieulivol
dans la juridiction de Saint-Ferme (XVIe-XVIIIe siècles)
L’arrivée
des Gavaches
À
la fin de
la guerre de Cent Ans
la région est dévastée. En
1477 un notaire de Monségur écrit,
qu’il y a de :
« nombreux domaynes en friche, confrontans
à de grands
vacquans… grands boys, hayes et buissons de nulle
valeur… estant
la fortune des guerres ou mortalitez qui ont esté par ici
devant. » L’abbé
de Saint-Ferme favorise alors t l’installation de
nouveaux
arrivants
en provenance de
l’Angoumois, de
la Saintonge et
du Poitou (pays
de langue d’oïl) mais
aussi du Périgord et du Limousin (pays
de langue d’oc) pour
relever le pays de ses ruines. Il
offre
des tenures perpétuelles « à
nouveau fief » contre des
charges légères, à condition de
reconstruire des habitations et de
remettre les terres en culture dans un
délai de deux
à trois ans. Ces tenures deviennent
de « véritables
propriétés en
puissance ». Les
avantages juridiques exceptionnels
consentis par les abbés successifs attirent les colons en
grand nombre dans le pays et ceux-ci y font souche. Ces
étrangers allophones sont affublés
par les Gascons du nom de
« gavaches » ou « gabaches ». Les hameaux - ou villages -
où les familles « gavaches » s’installèrent
jadis portent aujourd’hui encore des noms rappelant cette lointaine
origine. Ainsi à
Dieulivol existent toujours les
lieux-dits : les Bretons, le Normand. ou encore Martineau (nom de
famille de l’ouest
de la France).
Des patronymes (Blanchet, Chadelle, Favereau, Ferchaud, Gallaud, Gémard, Grenouilleau, Pubereau, Rambaud,
Renateau, Robineau, Rochereau...) attestent de cette longue présence
gavache à Dieulivol. Cette liste n'est bien évidemment pas exhaustive. Dans toute la
région les nouveaux arrivants constituèrent une
enclave de
langue d'oïl, qui fut pendant longtemps
appelée
la « Gavacherie de
Monségur » ou « petite
Gavacherie », dont le particularisme linguistique et
culturel
imprégna durablement l'identité locale. Le
parler gavache perdura ainsi jusqu’à la
moitié du XXe siècle à
Dieulivol et dans tout le Monségurais. Les
registres de la fabrique de Dieulivol mentionnent encore au
début du XIXe siècle la
vénération de Saint-Eutrope,
évêque de Saintes, placée au
même titre que celles de Saint-Pierre et de Saint-Martin sous
l'égide desquels les paroisses de Dieulivol et de Tourneguy
avaient été fondées. Ce
détail dénote l'intégration des
pratiques religieuses gavaches aux cultes locaux qui
existaient précédemment à leur
arrivée.
Depuis le XIVe
siècle la
paroisse de
Dieulivol faisait partie de
la juridiction de Saint-Ferme qui comprenait aussi,
outre Saint-Ferme, son chef-lieu, Le Puy avec son annexe de Coutures. Les
seigneurs abbés de Saint-Ferme portaient le double titre de baron
du Puy et
de Dieulivol. Bien que géographiquement
éloignée de Bazas, la paroisse de Dieulivol
relevait, dès son origine,
sur le plan religieux du diocèse
de Bazas. Sur le plan judiciaire elle était dans le ressort de la
sénéchaussée dont le siège
était installé dans cette même
ville, et bien évidemment du parlement
de Bordeaux. La paroisse était naturellement
liée, de par sa proximité, avec la bastide de
Monségur et les autres petites cités
environnantes : Castelmoron (siège d'une autre
sénéchaussée), Pellegrue, Duras et son
château qui fut érigée plus tard en
marquisat puis en duché, Taillecavat, La Réole...
Sur le plan administratif Dieulivol faisait partie de la subdélégation de
Sainte-Foy.
En
l’an 1484 les juridictions de Saint-Ferme, de Taillecavat et
de
Monségur avaient
conclu
un pacte par lequel était institué un
rôle de taille unique pour
les trois communautés En 1498,
peut-être à cause de
l’arrivée de nouveaux colons, le pacte fut
modifié et à cette occasion on s’aperçut que
les principaux bénéficiaires en
étaient les bourgeois de Monségur
qui « avaient
eu
l’habileté de glisser parmi les
dépenses générales [....]
la garde, l’entretien et les réparations des murs
de leur ville».
S'ensuivit une longue et interminable procédure judiciaire qui
dura plus d’un siècle. Dieulivol et les autres paroisses
de la juridiction de
Saint-Ferme mirent tout
en œuvre pour rompre l’accord et interrompre la
levée des
tailles selon le rôle unique qui avait été
institué.
Vie
spirituelle et religieuse
Chapelains, recteurs,
vicaires, curés et autres desservants
Au
XIVe siècle des chapelains sont
mentionnés. Ils desservent probablement la chapelle de l'ancien château. Au
XVIe
siècle la vie spirituelle et religieuse des habitants de la
paroisse est dirigée par les religieux de
l’abbaye de
Saint-Ferme. Le seigneur abbé est gros
décimateur. Il afferme la
levée des dîmes. Il nomme le curé de la
paroisse. La
levée du don gratuit de 1523 indique que le recteur
de Dieulivol verse 13
livres et 10 sous. Plus
tard d’autres décimes sont levées en
1528 et 1529 et
le recteur de Dieulivol verse 18 livres tournois.
Voir la liste des curés et desservants de la paroisse de Dieulivol depuis 1562 ici
Les confréries
Dans le
testament qu'il rédige en 1532 au château de
Dieulivol, Pierre de
Madaillan, abbé de Saint-Ferme, signale l'existence
d'une confrérie de
dévotion dédiée au culte de la
Sainte-Trinité et d'une autre confrérie
dédiée à Saint-Pierre dont Jean Constantin ety
Guillaume Philippeau, tous deux prêtres et confrères, sont
les gardes. Plus
tard, au XVIIIe siècle, Madeleine
Gémard, veuve de Jean Rambaud premier consul de la paroisse,
mentionne dans son testament deux autres confréries
auxquelles elle
donne une somme d’argent et qui sont établies dans
l’église : la confrérie du Saint-Sacrement et la
confrérie de
Notre-Dame des agonisants.
Portail de l'église Saint-Pierre de Dieulivol (collection Benoît Pénicaud)
Les
guerres de Religion
La
paroisse de Dieulivol
et ses
habitants
furent considérablement éprouvés par
les guerres
de Religion. Le 27 mars 1562 des religionnaires
furent
condamnés par le parlement de Bordeaux pour cause
«d'excès et
saccagements» commis dans l'église. Dans
la région Symphorien de Duras avait pris la tête du
parti réformé. Après avoir pillé et
brûlé toutes les maisons de
Verdelais, haut lieu de pèlerinage catholique, au mois de juin
1562, il s’empara de Saint-Macaire
qu’il occupa pendant
3 semaines puis de Bazas. La reine de Navarre Jeanne
d’Albret ne se
sentant pas en
sécurité vint sur son invitation habiter le château
de Duras d’où elle dirigea
le mouvement des troupes huguenotes. M.
de Burie, lieutenant du
roi, et Montluc infligèrent une cinglante
défaite à Symphorien de Duras lors de la bataille de
Targon. Celui-ci se
retira vers Sauveterre, Monségur
et Duras. A la fin de juillet 1562 Montluc arriva à
Gironde où il fit pendre aux piliers des halles soixante
ou soixante-dix
huguenots, vengeant ainsi le pillage de Saint-Macaire par Duras un mois
avant.
Il fit de même peu de temps après à Sauveterre
avant de prendre Monségur dont le siège dura du 31
juillet au 1er août 1562 . Dans ses Commentaires Montluc estime
le nombre des morts à pas moins de 700 : « Toutes les
rues et le long
des murailles estoient couvertes de corps morts et si je suis bien
asseuré
qu’Il en mourut un grand nombre de ceux qui se jettarent par
les murailles,
que je faisois tuer. »
Montluc fit ensuite le siège de Duras. Les horreurs de
la guerre civile se poursuivirent lors du massacre
de la
Saint-Barthélemy qui commença à l’aube
du 24 août 1572 et dura 3
jours. Il fit à Paris environ 3000 victimes dont Coligny et de
nombreux chefs
protestants venus dans la capitale pour assister aux fêtes du
mariage de la
sœur du roi avec Henri de Navarre. Bordeaux connut
« sa » Saint-Barthélemy
le 3 octobre 1572 et 264 protestants y auraient péri ! A la mort de
Charles IX en 1574, Henri III lui succéda.
L’anarchie grandit et une Sainte Ligue se forma dirigée
par Henri de
Guise.
Vers
la fin de l’année 1574, les huguenots
s’étaient emparés des
moulins près de Monségur et pillaient la
vallée du Drot. Ils
recelaient leur butin à Duras, où Turenne venait
loger avec 800
chevaux. Même
si, dans ce contexte, la juridiction
de Saint-Ferme - dont relevait la paroisse de Dieulivol- devait
assurer sa défense, elle refusa de participer
financièrement à l’entretien de la garnison
de Monségur où se trouvait la compagnie du baron
de Baillac.
Le moulin de Gallaud (photographie Benoît Pénicaud)
Le moulin de Gallaud
bâti sur le Drot a probablement
été construit au XIIIe
siècle par le seigneur de Dieulivol mais les
fondations les plus anciennes qui subsistent ne sont pas
antérieures
au XIVe siècle. Selon Serge Camps le moulin primitif
aujourd'hui disparu qui dépendait du château de
Dieulivol était
construit à l'embouchure du Dousset. Le moulin passe ensuite dans le domaine
de l'abbaye de Saint-Ferme. Selon la
volonté des
abbés il doit
« moudre sans frais les blés et les
grains pour les pauvres. »
Il porte la date de 1671 ; il est cité dans des
actes
du 8 décembre 1479, du 17
novembre 1530, etc. Durant les guerres de religion le moulin est
régulièrement occupé par les troupes
de passage. Ainsi en 1580 les protestants sous la conduite du capitaine
Meslon prirent Monségur et occupèrent le moulin.
Converti
au protestantisme Henri de La Tour d’Auvergne vicomte de Turenne,
lieutenant pour le « roy de Navarre » envoie une troupe
mettre le siège devant Saint-Ferme en 1585 : 40 arquebusiers
à cheval et dix cuirassiers y sont placés en garnison sous le
commandement de Guillaume Rougier, sieur du Barrail. Celui-ci soumet
la juridiction de façon brutale et y sème la terreur. En
avril 1586
le maréchal de Matignon et le duc de Mayenne font le siège de
Monségur : ils jettent des troupes dans les moulins qui sont
sur le Drot et purgent la vallée de tous ses ennemis (protestants)
Moins
d’un an plus tard les huguenots chassent à nouveau les
catholiques : ils s’emparent de Monségur, du moulin de
Gallaud et de tous les moulins distants d’une lieue de la ville…
En
1599
une lettre du seigneur de Duras Jacques de Durfort adressée à Jean
du Puy sieur de Cazes, juge de Monségur, tous deux huguenots, nous
apprend qu’une garnison est établie dans le moulin de Gallaud à
Dieulivol pour
éviter que les Ligueurs (catholiques)
ne
s’en emparent.
En
1596 les consuls de Monségur avaient obtenu du Parlement de
Bordeaux une décision les autorisant à lever sur les trois juridictions de
Saint-Ferme,
Monségur et Taillecavat 600 écus de tailles
extraordinaires
dont 350 destinées au paiement du « bayle »
de la ville. Sur le refus des contribuables de payer ces
impôts
supplémentaires, les consuls de Monségur firent
emprisonner
Negréry, consul de Dieulivol, et Joffre, consul du Puy. Ces
derniers
firent appel. L’abbé de Saint-Ferme Arnaud de
Gascq prit leur
défense et présenta une requête au
Parlement afin
de permettre le retrait
de la juridiction de Saint-Ferme du pacte conclu à la fin du
XVe siècle.
Le
conflit religieux connut un terme provisoire en 1598 avec la
publication de l’Edit de Nantes mais le parlement de Bordeaux
ne
l’enregistra qu’en février 1600. Cette
longue suite de guerres
civiles avait occasionné de lourds ravages en Guyenne,
l’un des
principaux foyers des luttes religieuses ! En 1598 l'abbé
Arnaud de Gascq afferma à Raymond La Boual les revenus de
l’abbaye, pour la somme de 1200
écus,
avec charge pour lui d’entretenir les fossés et
glacis du château
de Dieulivol, où l’acte fut passé. En
octobre et novembre 1615 les « ennemys du
Roy »
(les huguenots) s'emparèrent du château, s'y
fortifièrent et firent « mille
désordres » dans
la paroisse. Le
maréchal de Roquelaure, gouverneur
général de Guyenne, parvint à
briser leur résistance et à reprendre
Dieulivol. Il laissa
en garnison à Saint-Ferme le capitaine de Virazeil.
En
1616 le
château de Dieulivol était définitivement ruiné et n'offrait
plus le moindre abri.
Durant
l'année 1623 le froid fut si intense que la rivière Drot
gela. Les céréales et la vigne
furent anéanties Au cours des deux années qui suivirent une épidémie de peste ravagea le pays (1624-1625) faisant
de nombreuses victimes. En
1623 le nouvel
abbé de Saint-Ferme, Léon de
Lalanne, obtint du parlement de Bordeaux qu'il interdise aux
consuls de prélever des impôts sur les habitants de
sa juridiction pour le seul bénéfice de ceux de
Monségur. En violation de cette décision les bourgeois de Monségur firent
emprisonner les consuls de la juridiction de Saint-Ferme puis ils
procédèrent à la vente d’une
partie de leurs biens. Un procès
verbal de capture de P. Gemard, consul de Dieulivol fut
dressé le 29
avril 1623. L’affaire ammena
le roi Louis XIII a prendre
une ordonnance le 28 juillet 1623. Le
conseil du roi renvoya finalement le procès devant la cour
des aides
de Montpellier qui rendit le 9 janvier 1628 une décision
définitive
par laquelle la juridiction de Saint-Ferme n’était
plus liée par
le pacte conclu avec Monségur et Taillecavat.
Trois années de disette (1629-1631) éprouvèrent
davantage encore les habitants.
En
1675 les registres d’arpentement de la paroisse de Dieulivol
font
apparaître un extrême morcellement de la
propriété. Les
principaux propriétaires terriens sont les religieux de
Saint-Ferme
avec 77 journaux.
Viennent
ensuite Pierre de Robillard, conseiller du roi et avocat
général à
la Cour des Aides de Guyenne (60 journaux et 1 latte) et messire
Jacques Léon
de Laubertie, avocat au Parlement de Bordeaux, consul de Monségur
en 1672, 1677 et 1685 (55
journaux, 81 lattes et
17 escats ). Les nobles Michel Duboys, écuyer,
seigneur de
Peyrelongue ou encore Michel de Gachon issu d'une famille de la
région qui a pris le parti de la religion
réformée et qui tient la maison noble de Lamothe
Gachon dans la paroisse voisine du Puy, ou encore un seigneur
de Labarthe sont aussi mentionnés.
Un homme de loi à Dieulivol sous l'Ancien Régime :
Antoine
Martineau (1673-1738),
avocat au parlement de Bordeaux, habitant de
la paroisse de Dieulivol,
est lieutenant de la juridiction de Saint-Ferme avant d’être
pourvu de l’office de juge du duché et de la juridiction de Duras
en 1699. Ses lettres de provisions sont signées par
Jacques Henry de Durfot, duc
de Duras. Antoine Martineau s'éteint à Dieulivol le 6 avril 1738.
La paroisse de Dieulivol sur deux cartes du XVIIIe siècle
Direction de
Bordeaux, Comprenant
La Séneschaussée de Bordeaux et Le Pays de La
Nouvelle Conqueste.
Dédiée A
Messieurs Les Fermiers Generaux des Fermes Royalles Unies. Par J.B.
Nolin. Gravé par H. Van
Loon (Paris, vers 1700).
Carte du Bourdelois, du
Périgord et des provinces voisines par G. de
l'Isle (Paris, 1714).
En
1706 le grand Conseil du roi décharge la succession des
abbés de
Lalanne du rétablissement du
vieux château de Dieulivol
en ruines depuis 1616.
Vestiges
de murs médiévaux dans le bourg
en 2013 (photographie Benoît Pénicaud) et carte postale ancienne
Quelques-uns des seigneurs abbés de Saint-Ferme barons de Dieulivol
Pierre de Madaillan (entre 1521 et 1532)
Arnaud de Gascq (entre 1584 et 1615)
Léon de Lalanne (entre 1622 et 1666)
Léon de Lalanne (II) neveu du précédent (entre 1666 et 1700)
Adrien Deschamps dit Morel de Crécy (entre 1700 et 1745)
Gaspard
de Batz de Lapeyre de Trenquelléon (entre 1745 et 1785),
troisième fils de François de Batz, chevalier, et d’Anne du
Broqua, baronne de Trenquelléon, Gaspard de Batz est
né
le 6 août 1717. Il embrasse
très tôt l’état ecclésiastique. Après des études de théologie
- il est
docteur en Sorbonne – il
devient, en
septembre 1745, abbé commendataire de Saint-Ferme
et
porte
dès lors le double titre de seigneur de Saint-Ferme et baron du Puy
et de Dieulivol. Cet abbé a
profondément marqué
de
son empreinte l’histoire de la juridiction de Saint-Ferme au cours
du XVIIIe siècle ; il demeure
au château du Parc pendant 40 ans. En 1771, c’est
sous
son abbatiat que
les religieux quittent définitivement l’abbaye et que
la
vie monastique prend
fin. Le seigneur abbé doit
faire face à la rébellion de certains habitants de sa juridiction
et il soutient
différents procès au parlement de Bordeaux du fait de ses
tenanciers ou des religieux de l’abbaye. A son décès en 1785 il
est
inhumé devant le maître autel de l’église de Saint-Ferme.
Roch Etienne de Vichy (entre 1785 et 1789)
Roch
Etienne de Vichy (1753-1829),
est
pourvu en commende de l’abbaye de Saint-Ferme en novembre 1785.
Aumônier de la reine Marie-Antoinette,
il est
aussi baron et prieur d’Anzy-le-Duc et vicaire général auprès de
l’évêque d’Évreux. Il vient
à Saint-Ferme pour la première fois le 26 janvier 1786 mais il ne
réside
pas dans la juridiction aux charmes de laquelle il préfère
sans doute les fastes de Versailles ! La Révolution l’oblige
à quitter le pays. Il est
le
dernier seigneur abbé de Saint-Ferme baron de Dieulivol.
Roch Étienne de Vichy (1753-1829) dernier abbé commandataire de Saint-Ferme,
seigneur et baron de Dieulivol
Dénombrement
D’après
le dénombrement des habitants du Bazadais effectué en 1761
la paroisse de Dieulivol compte alors 1500 habitants (plus que
St-Ferme chef lieu de la juridiction qui a 961 habitants ou même que
Monségur qui a 1475 habitants). La paroisse aura encore 1050
habitants en 1795.
En
février 1770 il fut convenu entre l’abbé de Batz et le curé
de Dieulivol que ce dernier fournirait le sol pour dépiquer les blés
portés en paiement de la dîme « jusqu’à ce qu’il plaise
à Monsieur l’abbé de construire une grange dans l’emplacement
de l’ancien château ».
Fin de la vie monastique à l'abbaye de Saint-Ferme
Au cours de la même année l’évêque de Bazas prend
un décret « portant extinction de la
mense et places
monacales » de Saint-Ferme. Ce
décret est
confirmé par lettres patentes du roi le 17 août et
enregistré au
Parlement de Bordeaux le 21 juin 1771. Les
religieux quittent l’abbaye de Saint-Ferme. Un
vicaire est établi dans chaque
paroisse de la juridiction
dont un à Dieulivol. L’abbé de
Saint-Ferme et ses successeurs
seront tenus de lui verser l’honoraire prescrit par les
ordonnances ; ils seront aussi tenus de verser une
somme
annuelle de cent livres pour la fabrique
de l’église
de Dieulivol. Le décret incorpore le domaine de Choine
à la cure de
Saint-Ferme. Il est aussi stipulé que
l’abbé de Saint-Ferme et
ses successeurs, après le décès
d’un des religieux, seront tenus
de payer annuellement et à perpétuité
25 livres de rente au syndic
fabricien de l’église paroissiale de Dieulivol
pour la subsistance
et le soulagement des pauvres infirmes et surtout des
alités,
indigents de cette paroisse.
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Registre de la fabrique de Dieulivol (photographie Benoît Pénicaud)
Vie
quotidienne à la fin de l’Ancien Régime dans la paroisse de Dieulivol
En
dépit des crises de subsistance chroniques, la paroisse
connaît une
forte démographie et sa population est jeune. Les
personnages
importants sur le plan local outre le seigneur-abbé,
étaient le
juge et le procureur d'office, mais aussi le premier consul de la
paroisse ou encore le curé. La présence d'un
régent maître
d'école est attestée au moins depuis 1696. Chaque
année à l’automne les principaux
habitants de Dieulivol se
rassemblaient devant l'église pour désigner trois
des leurs pour
devenir les consuls-collecteurs de la paroisse
l’année suivante.
Le rôle n’était pas forcément
très enviable, ni envié, car il
consistait à lever les impositions royales notamment la
taille et
chaque consul était responsable sur ses deniers personnels.
Le
seigneur abbé pouvait écarter un nom et
n’en retenir que deux
parmi les trois qui lui étaient proposés. Il
exerçait son droit de croisement. Les consuls
ainsi désignés
devaient être reçus devant la justice
seigneuriale, au cours du
mois de novembre ou de décembre, ils recevaient leur
livrée
consulaire et prêtaient serment.
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L'ancien
moulin à vent de Rambaud : seule la tour et le toit en
poivrière ont été conservés
(photographie
Benoît Pénicaud)
Le
juge de Saint-Ferme rendait de nombreuses ordonnances pour
réglementer la vie quotidienne des habitants (protection des
récoltes,divagation des animaux, ban des vendanges, voirie,
eaux et
forêts...). Il était aussi chargé de
rendre la justice civile et
criminelle. À
la fin de l’Ancien Régime le refus de la dîme
et des droits seigneuriaux était de plus en plus
fréquent :
vols et rapines dans la forêt du seigneur abbé,
non respect du
droit de pêche et de chasse, incendie des gerbiers, fraudes
sur la
dîme du vin, refus de faire procéder à
un nouvel arpentement de la
paroisse et de payer un nouveau droit sur les boucheries,
rassemblements séditieux...
Droits
seigneuriaux et perception des dîmes
Voici quelques-uns des droits
seigneuriaux détenus par le seigneur abbé : droit de justice, droit de ban, droit de
corvées, droit de péage, droit de chasse, droit de pêche, droit
d’épave, droits honorifiques… Le
seigneur abbé était aussi détenteur du droit de
boucherie: il y en avait quatre
dans l’étendue de sa juridiction dont
une à Dieulivol, qui
était affermée. Le greffe est aussi affermé.
La
plupart du temps, un contrat d’afferme générale des revenus de
l’abbaye est conclu. Les fermiers de l’abbé se chargent de la
perception des lods et ventes, des cens et rentes, et la levée des
dîmes leur est aussi confiée. L’abbé se contente de recevoir le
montant du fermage fixé forfaitairement dans le contrat. Le bail est
en général conclu pour une durée de six ou de neuf ans. L’ensemble
de la seigneurie peut être remise à un seul fermier ou à plusieurs
personnes associées. En principe les fermiers sont retenus à
l’issue d’une procédure d’enchères et le bail est délivré
au meilleur enchérisseur. Dans les paroisses de la juridiction et
dans les villes voisines (Monségur,
Duras…) on
procède donc à la publication d’affiches sur lesquelles sont
énoncées la liste des biens et des revenus
de
l’abbaye qui font l’objet du bail à renouveler, ainsi que la
date du début du bail et sa durée. La plupart du temps les
fermiers sont des notaires, des marchands et des cultivateurs
habitant dans la juridiction de Saint-Ferme ou dans les juridictions
voisines.
Les
dîmes sont affermées à des habitants de la juridiction (notaires,
marchands, laboureurs…) qui vont ensuite les sous-affermer à
d’autres. Cela aboutit parfois à la conclusion de contrats en
cascade. Ces contrats portent sur la dîme d’une ou de plusieurs
paroisses avec des réserves dans la plupart des cas comme en
attestent les archives notariales. En principe la perception des
dîmes est comprise dans les contrats d’afferme générale des
revenus de l’abbaye.
Le
juge de Saint-Ferme faisait chaque année proclamer le ban des
vendanges. Il rappelait qu'il était défendu de
cébuter les vendanges avant la Saint-Michel (le 29
septembre). Il était chargé d'assurer la défense
des droits seigneuriaux. Ceux-ci
constituaient un enjeu économique important pour le seigneur abbé.
On trouve dans
les archives de la justice seigneuriale de nombreux
procès pour arrérages de cens au
terme desquels les
tenanciers sont condamnés.
Le
non paiement des rentes
occasionnaient
aussi de fréquentes
affaires notamment les rentes dues au seigneur abbé par les
propriétaires des moulins sur le Drot - dont celui de Gallaud - ainsi que le
non-versement du fermage à ces derniers par les meuniers. Les
tenanciers de l’abbé étaient astreints au paiement de droits de
mutation : l’acapte dû à la
mort du seigneur ou à celle du tenancier et l’exporle
dû à chaque mutation de seigneur ou de tenancier. Les
lods
et ventes
et
l’exercice du droit
de prélation étaient
aussi à l’origine d’un contentieux important. devant la justice seigneuriale.
Benoît Pénicaud - L'Histoire de Dieulivol
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