Dieulivol dans la juridiction de Saint-Ferme (XVIe-XVIIIe siècles)


L’arrivée des Gavaches

À la fin de la guerre de Cent Ans la région est dévastée. En 1477 un notaire de Monségur écrit, qu’il y a de : « nombreux domaynes en friche, confrontans à de grands vacquans… grands boys, hayes et buissons de nulle valeur… estant la fortune des guerres ou mortalitez qui ont esté par ici devant. » L’abbé de Saint-Ferme favorise alors t l’installation de nouveaux arrivants en provenance de l’Angoumois, de la Saintonge et du Poitou (pays de langue d’oïl) mais aussi du Périgord et du Limousin (pays de langue d’oc) pour relever le pays de ses ruines. Il offre des tenures perpétuelles « à nouveau fief » contre des charges légères, à condition de reconstruire des habitations et de remettre les terres en culture dans un délai de deux à trois ans. Ces tenures deviennent de « véritables propriétés en puissance ». Les avantages juridiques exceptionnels consentis par les abbés successifs attirent les colons en grand nombre dans le pays et ceux-ci y font souche. Ces étrangers allophones sont affublés par les Gascons du nom de « gavaches » ou « gabaches ». Les hameaux - ou villages - où les familles « gavaches » s’installèrent jadis portent aujourd’hui encore des noms rappelant cette lointaine origine. Ainsi à Dieulivol existent toujours les lieux-dits : les Bretons, le Normand. ou encore Martineau (nom de famille de l’ouest de la France).

Des patronymes (Blanchet, Chadelle, Favereau, Ferchaud, Gallaud, Gémard, Grenouilleau, Pubereau, Rambaud, Renateau, Robineau, Rochereau...) attestent de cette longue présence gavache à Dieulivol. Cette liste n'est bien évidemment pas exhaustive. Dans toute la région les nouveaux arrivants 
constituèrent une enclave de langue d'oïl, qui fut pendant longtemps appelée la « Gavacherie de Monségur » ou « petite Gavacherie », dont le particularisme linguistique et culturel imprégna durablement l'identité locale. Le parler gavache perdura ainsi jusqu’à la moitié du XXe siècle à Dieulivol et dans tout le Monségurais. Les registres de la fabrique de Dieulivol mentionnent encore au début du XIXe siècle la vénération de Saint-Eutrope, évêque de Saintes, placée au même titre que celles de Saint-Pierre et de Saint-Martin sous l'égide desquels les paroisses de Dieulivol et de Tourneguy avaient été fondées. Ce détail dénote l'intégration des pratiques religieuses gavaches aux cultes locaux qui existaient précédemment à leur arrivée.

Depuis le XIVe siècle la paroisse de Dieulivol faisait partie de la juridiction de Saint-Ferme qui comprenait aussi, outre Saint-Ferme, son chef-lieu, Le Puy avec son annexe de Coutures. Les seigneurs abbés de Saint-Ferme portaient le double titre de baron du Puy et de Dieulivol. Bien que géographiquement éloignée de Bazas, la paroisse de Dieulivol relevait, dès son origine, sur le plan religieux du diocèse de Bazas. Sur le plan judiciaire elle était dans le ressort de la sénéchaussée dont le siège était installé dans cette même ville, et bien évidemment du parlement de Bordeaux. La paroisse était naturellement liée, de par sa proximité, avec la bastide de Monségur et les autres petites cités environnantes : Castelmoron (siège d'une autre sénéchaussée), Pellegrue, Duras et son château qui fut érigée plus tard en marquisat puis en duché, Taillecavat, La Réole... Sur le plan administratif Dieulivol faisait partie de la subdélégation de Sainte-Foy. 

En l’an 1484 les juridictions de Saint-Ferme, de Taillecavat et de Monségur avaient conclu un pacte par lequel était institué un rôle de taille unique pour les trois communautés En 1498, peut-être à cause de l’arrivée de nouveaux colons, le pacte fut modifié et à cette occasion on s’aperçut que les principaux bénéficiaires en étaient les bourgeois de Monségur qui « avaient eu l’habileté de glisser parmi les dépenses générales [....] la garde, l’entretien et les réparations des murs de leur ville».
S'ensuivit une longue et interminable procédure judiciaire qui dura plus d’un siècle. Dieulivol et les autres paroisses de la juridiction de Saint-Ferme mirent tout en œuvre pour rompre l’accord et interrompre la levée des tailles selon le rôle unique qui avait été institué.

Vie spirituelle et religieuse

Chapelains, recteurs, vicaires, curés et autres desservants

Au XIVe siècle des chapelains sont mentionnés. Ils desservent probablement la chapelle de l'ancien château. Au XVIe siècle la vie spirituelle et religieuse des habitants de la paroisse est dirigée par les religieux de l’abbaye de Saint-Ferme. Le seigneur abbé est gros décimateur. Il afferme la levée des dîmes. Il nomme le curé de la paroisse. La levée du don gratuit de 1523 indique que le recteur de Dieulivol verse 13 livres et 10 sous. Plus tard d’autres décimes sont levées en 1528 et 1529 et le recteur de Dieulivol verse 18 livres tournois.

Voir la liste des curés et desservants de la paroisse de Dieulivol depuis 1562 ici

Les confréries

Dans le testament qu'il rédige en 1532 au château de Dieulivol, Pierre de Madaillan, abbé de Saint-Ferme, signale l'existence d'une confrérie de dévotion dédiée au culte de la Sainte-Trinité et d'une autre confrérie dédiée à Saint-Pierre dont Jean Constantin ety Guillaume Philippeau, tous deux prêtres et confrères, sont les gardes. Plus tard, au XVIIIe siècle, Madeleine Gémard, veuve de Jean Rambaud premier consul de la paroisse, mentionne dans son testament deux autres confréries auxquelles elle donne une somme d’argent et qui sont établies dans l’église : la confrérie du Saint-Sacrement et la confrérie de Notre-Dame des agonisants.

Portail

Portail de l'église Saint-Pierre de Dieulivol  (collection Benoît Pénicaud)

Les guerres de Religion

La paroisse de Dieulivol et ses habitants furent considérablement éprouvés par les guerres de Religion. Le 27 mars 1562 des religionnaires furent condamnés par le parlement de Bordeaux pour cause «d'excès et saccagements» commis dans l'église. Dans la région Symphorien de Duras avait pris la tête du parti réformé. Après avoir pillé et brûlé toutes les maisons de Verdelais, haut lieu de pèlerinage catholique, au mois de juin 1562, il s’empara de Saint-Macaire qu’il occupa pendant 3 semaines puis de Bazas. La reine de Navarre Jeanne d’Albret ne se sentant pas en sécurité vint sur son invitation habiter le château de Duras d’où elle dirigea le mouvement des troupes huguenotes. M. de Burie, lieutenant du roi, et Montluc infligèrent une cinglante défaite à Symphorien de Duras lors de la bataille de Targon. Celui-ci se retira vers Sauveterre, Monségur et Duras. A la fin de juillet 1562 Montluc arriva à Gironde où il fit pendre aux piliers des halles soixante ou soixante-dix huguenots, vengeant ainsi le pillage de Saint-Macaire par Duras un mois avant. Il fit de même peu de temps après à Sauveterre avant de prendre Monségur dont le siège dura du 31 juillet au 1er août 1562 . Dans ses Commentaires Montluc estime le nombre des morts à pas moins de 700 : « Toutes les rues et le long des murailles estoient couvertes de corps morts et si je suis bien asseuré qu’Il en mourut un grand nombre de ceux qui se jettarent par les murailles, que je faisois tuer. » Montluc fit ensuite le siège de Duras.  Les horreurs de la guerre civile se poursuivirent lors du massacre de la Saint-Barthélemy qui commença à l’aube du 24 août 1572 et dura  3 jours. Il fit à Paris environ 3000 victimes dont Coligny et de nombreux chefs protestants venus dans la capitale pour assister aux fêtes du mariage de la sœur du roi avec Henri de Navarre. Bordeaux connut « sa » Saint-Barthélemy le 3 octobre 1572 et 264 protestants y auraient péri ! A la mort de Charles IX en 1574, Henri III lui succéda. L’anarchie grandit et une Sainte Ligue se forma dirigée par Henri de Guise. 

Vers la fin de l’année 1574, les huguenots s’étaient emparés des moulins près de Monségur et pillaient la vallée du Drot. Ils recelaient leur butin à Duras, où Turenne venait loger avec 800 chevaux. Même si, dans ce contexte, la juridiction de Saint-Ferme - dont relevait la paroisse de Dieulivol- devait assurer sa défense, elle refusa de participer financièrement à l’entretien de la garnison de Monségur où se trouvait la compagnie du baron de Baillac.

Moulin de Gallaud
 Le moulin de Gallaud (photographie Benoît Pénicaud)

Le moulin de Gallaud bâti sur le Drot a probablement été construit au XIIIe siècle par le seigneur de Dieulivol mais les fondations les plus anciennes qui subsistent ne sont pas antérieures au XIVe siècle. Selon Serge Camps le moulin primitif aujourd'hui disparu qui dépendait du château de Dieulivol était construit à l'embouchure du Dousset. Le moulin passe ensuite dans le domaine de l'abbaye de Saint-Ferme. Selon la volonté des abbés il doit  « moudre sans frais les blés et les grains pour les pauvres. »  Il porte la date de 1671 ; il est cité dans des actes du 8 décembre 1479, du 17 novembre 1530, etc. Durant les guerres de religion le moulin est régulièrement occupé par les troupes de passage. Ainsi en 1580 les protestants sous la conduite du capitaine Meslon prirent Monségur et occupèrent le moulin.

Converti au protestantisme Henri de La Tour d’Auvergne vicomte de Turenne, lieutenant pour le « roy de Navarre » envoie une troupe mettre le siège devant Saint-Ferme en 1585 : 40 arquebusiers à cheval et dix cuirassiers y sont placés en garnison sous le commandement de Guillaume Rougier, sieur du Barrail. Celui-ci soumet la juridiction de façon brutale et y sème la terreur. En avril 1586 le maréchal de Matignon et le duc de Mayenne font le siège de Monségur : ils jettent des troupes dans les moulins qui sont sur le Drot et purgent la vallée de tous ses ennemis (protestants) Moins d’un an plus tard les huguenots chassent à nouveau les catholiques : ils s’emparent de Monségur, du moulin de Gallaud et de tous les moulins distants d’une lieue de la ville…

En 1599 une lettre du seigneur de Duras Jacques de Durfort adressée à Jean du Puy sieur de Cazes, juge de Monségur, tous deux huguenots, nous apprend qu’une garnison est établie dans le moulin de Gallaud à Dieulivol pour éviter que les Ligueurs (catholiques) ne s’en emparent.


En 1596 les consuls de Monségur avaient obtenu du Parlement de Bordeaux une décision les autorisant à lever sur les trois juridictions de Saint-Ferme, Monségur et Taillecavat 600 écus de tailles extraordinaires dont 350 destinées au paiement du « bayle » de la ville. Sur le refus des contribuables de payer ces impôts supplémentaires, les consuls de Monségur firent emprisonner Negréry, consul de Dieulivol, et Joffre, consul du Puy. Ces derniers firent appel. L’abbé de Saint-Ferme Arnaud de Gascq prit leur défense et présenta une requête au Parlement afin de permettre le retrait de la juridiction de Saint-Ferme du pacte conclu à la fin du XVe siècle.
Le conflit religieux connut un terme provisoire en 1598 avec la publication de l’Edit de Nantes mais le parlement de Bordeaux ne l’enregistra qu’en février 1600. Cette longue suite de guerres civiles avait occasionné de lourds ravages en Guyenne, l’un des principaux foyers des luttes religieuses ! En 1598 l'abbé Arnaud de Gascq afferma à Raymond La Boual les revenus de l’abbaye, pour la somme de 1200 écus, avec charge pour lui d’entretenir les fossés et glacis du château de Dieulivol, où l’acte fut passé.  En octobre et novembre 1615 les « ennemys du Roy » (les huguenots) s'emparèrent du château, s'y fortifièrent et firent « mille désordres » dans la paroisse. Le maréchal de Roquelaure, gouverneur général de Guyenne, parvint à briser leur résistance et à reprendre Dieulivol. Il laissa en garnison à Saint-Ferme le capitaine de Virazeil.

En 1616 l
e château de Dieulivol était définitivement ruiné et n'offrait plus le moindre abri.
Durant l'année 1623 le froid fut si intense que la rivière Drot gela. Les céréales et la vigne furent anéanties Au cours des deux années qui suivirent une épidémie de peste ravagea le pays (1624-1625) faisant de nombreuses victimes. En 1623 le nouvel abbé de Saint-Ferme, Léon de Lalanne, obtint du parlement de Bordeaux qu'il interdise aux consuls de prélever des impôts sur les habitants de sa juridiction pour le seul bénéfice de ceux de Monségur. En violation de cette décision les bourgeois de Monségur firent emprisonner les consuls de la juridiction de Saint-Ferme puis ils procédèrent à la vente d’une partie de leurs biens. Un procès verbal de capture de P. Gemard, consul de Dieulivol fut dressé le 29 avril 1623. L’affaire ammena le roi Louis XIII a prendre une ordonnance le 28 juillet 1623. Le conseil du roi renvoya finalement le procès devant la cour des aides de Montpellier qui rendit le 9 janvier 1628 une décision définitive par laquelle la juridiction de Saint-Ferme n’était plus liée par le pacte conclu avec Monségur et Taillecavat.

Trois années de disette (1629-1631) éprouvèrent davantage encore les habitants.

En 1675 les registres d’arpentement de la paroisse de Dieulivol font apparaître un extrême morcellement de la propriété. Les principaux propriétaires terriens sont les religieux de Saint-Ferme avec 77 journaux. Viennent ensuite Pierre de Robillard, conseiller du roi et avocat général à la Cour des Aides de Guyenne (60 journaux et 1 latte) et messire Jacques Léon de Laubertie, avocat au Parlement de Bordeaux, consul de Monségur en 1672, 1677 et 1685 (55 journaux, 81 lattes et 17 escats ). Les nobles  Michel Duboys, écuyer, seigneur de Peyrelongue ou encore Michel de Gachon issu d'une famille de la région qui a pris le parti de la religion réformée et qui tient la maison noble de Lamothe Gachon dans la paroisse voisine du Puy, ou encore un seigneur de Labarthe sont aussi mentionnés.

Un homme de loi à Dieulivol sous l'Ancien Régime : 
Antoine Martineau (1673-1738), avocat au parlement de Bordeaux, habitant de la paroisse de Dieulivol, est lieutenant de la juridiction de Saint-Ferme avant d’être pourvu de l’office de juge du duché et de la juridiction de Duras en 1699. Ses lettres de provisions sont signées par Jacques Henry de Durfot, duc de Duras. Antoine Martineau s'éteint à Dieulivol le 6 avril 1738.


La paroisse de Dieulivol sur deux cartes du XVIIIe siècle



Carte du pays de Nouvelle Conquête

 Direction de Bordeaux, Comprenant La Séneschaussée de Bordeaux et Le Pays de La Nouvelle Conqueste.  
Dédiée A Messieurs Les Fermiers Generaux des Fermes Royalles Unies. Par J.B. Nolin. Gravé par H. Van Loon  (Paris, vers 1700).


Carte du Bordelais

 Carte du Bourdelois, du Périgord et des provinces voisines  par G. de l'Isle (Paris, 1714).



En 1706 le grand Conseil du roi décharge la succession des abbés de Lalanne du rétablissement du vieux château de Dieulivol en ruines depuis 1616. 

Dieulivol vieux mur Carte postale ancienne Dieulivol

Vestiges de murs médiévaux dans le bourg en 2013 (photographie Benoît Pénicaud) et carte postale ancienne

Quelques-uns des seigneurs abbés de Saint-Ferme barons de Dieulivol

Pierre de Madaillan (entre 1521 et 1532)

Arnaud de Gascq (entre 1584 et 1615)

Léon de Lalanne (entre 1622 et 1666)

Léon de Lalanne (II) neveu du précédent (entre 1666 et 1700)

Adrien Deschamps dit Morel de Crécy (entre 1700 et 1745)

Gaspard de Batz de Lapeyre de Trenquelléon (entre 1745 et 1785), troisième fils de François de Batz, chevalier, et d’Anne du Broqua, baronne de Trenquelléon, Gaspard de Batz est né le 6 août 1717. Il embrasse très tôt l’état ecclésiastique. Après des études de théologie - il est docteur en Sorbonne – il devient, en septembre 1745, abbé commendataire de Saint-Ferme et porte dès lors le double titre de seigneur de Saint-Ferme et baron du Puy et de Dieulivol. Cet abbé a profondément marqué de son empreinte l’histoire de la juridiction de Saint-Ferme au cours du XVIIIe siècle ; il demeure au château du Parc pendant 40 ans. En 1771, c’est sous son abbatiat que les religieux quittent définitivement l’abbaye et que la vie monastique prend fin. Le seigneur abbé doit faire face à la rébellion de certains habitants de sa juridiction et il soutient différents procès au parlement de Bordeaux du fait de ses tenanciers ou des religieux de l’abbaye. A son décès en 1785 il est inhumé devant le maître autel de l’église de Saint-Ferme.

Roch Etienne de Vichy (entre 1785 et 1789)
Roch Etienne de Vichy (1753-1829), est pourvu en commende de l’abbaye de Saint-Ferme en novembre 1785. Aumônier de la reine Marie-Antoinette, il est aussi baron et prieur d’Anzy-le-Duc et vicaire général auprès de l’évêque d’Évreux. Il vient à Saint-Ferme pour la première fois le 26 janvier 1786 mais il ne réside pas dans la juridiction aux charmes de laquelle il préfère sans doute les fastes de Versailles ! La Révolution l’oblige à quitter le pays. Il est le dernier seigneur abbé de Saint-Ferme baron de Dieulivol.



Roch Etienne de Vichy
Roch Étienne de Vichy (1753-1829) dernier abbé commandataire de Saint-Ferme,
seigneur et baron de Dieulivol


Dénombrement

D’après le dénombrement des habitants du Bazadais effectué en 1761 la paroisse de Dieulivol compte alors 1500 habitants (plus que St-Ferme chef lieu de la juridiction qui a 961 habitants ou même que Monségur qui a 1475 habitants). La paroisse aura encore 1050 habitants en 1795.


En février 1770 il fut convenu entre l’abbé de Batz et le curé de Dieulivol que ce dernier fournirait le sol pour dépiquer les blés portés en paiement de la dîme « jusqu’à ce qu’il plaise à Monsieur l’abbé de construire une grange dans l’emplacement de l’ancien château ».




Fin de la vie monastique à l'abbaye de Saint-Ferme

Au cours de la même année l’évêque de Bazas prend un décret « portant extinction de la mense et places monacales » de Saint-Ferme. Ce décret est confirmé par lettres patentes du roi le 17 août et enregistré au Parlement de Bordeaux  le 21 juin 1771. Les religieux quittent l’abbaye de Saint-Ferme. Un vicaire est établi dans chaque paroisse de la juridiction dont un à Dieulivol. L’abbé de Saint-Ferme et ses successeurs seront tenus de lui verser l’honoraire prescrit par les ordonnances ; ils seront aussi tenus de verser une  somme annuelle de cent livres pour la fabrique de l’église de Dieulivol. Le décret incorpore le domaine de Choine à la cure de Saint-Ferme. Il est aussi stipulé que l’abbé de Saint-Ferme et ses successeurs, après le décès d’un des religieux, seront tenus de payer annuellement et à perpétuité 25 livres de rente au syndic fabricien de l’église paroissiale de Dieulivol pour la subsistance et le soulagement des pauvres infirmes et surtout des alités, indigents de cette paroisse.

 Registre de la fabrique de Dieulivol
Registre de la fabrique de Dieulivol (photographie Benoît Pénicaud)

Vie quotidienne à la fin de l’Ancien Régime dans la paroisse de Dieulivol

En dépit des crises de subsistance chroniques, la paroisse connaît une forte démographie et sa population est jeune. Les personnages importants sur le plan local outre le seigneur-abbé, étaient le juge et le procureur d'office, mais aussi le premier consul de la paroisse ou encore le curé. La présence d'un régent maître d'école est attestée au moins depuis 1696. Chaque année à l’automne les principaux habitants de Dieulivol se rassemblaient devant l'église pour désigner trois des leurs pour devenir les consuls-collecteurs de la paroisse l’année suivante. Le rôle n’était pas forcément très enviable, ni envié, car il consistait à lever les impositions royales notamment la taille et chaque consul était responsable sur ses deniers personnels. Le seigneur abbé pouvait écarter un nom et n’en retenir que deux parmi les trois qui lui étaient proposés. Il exerçait son droit de croisement. Les consuls ainsi désignés devaient être reçus devant la justice seigneuriale, au cours du mois de novembre ou de décembre, ils recevaient leur livrée consulaire et prêtaient serment.


Moulin de Rambaud

L'ancien moulin à vent de Rambaud : seule la tour et le toit en poivrière ont été conservés 
(photographie Benoît Pénicaud)

Le juge de Saint-Ferme rendait de nombreuses ordonnances pour réglementer la vie quotidienne des habitants (protection des récoltes,divagation des animaux, ban des vendanges, voirie, eaux et forêts...). Il était aussi chargé de rendre la justice civile et criminelle. À la fin de l’Ancien Régime le refus de la dîme et des droits seigneuriaux était de plus en plus fréquent : vols et rapines dans la forêt du seigneur abbé, non respect du droit de pêche et de chasse, incendie des gerbiers, fraudes sur la dîme du vin, refus de faire procéder à un nouvel arpentement de la paroisse et de payer un nouveau droit sur les boucheries, rassemblements séditieux...

Droits seigneuriaux et perception des dîmes


Voici quelques-uns des droits seigneuriaux détenus par le seigneur abbé : droit de justice, droit de ban, droit de corvées, droit de péage, droit de chasse, droit de pêche, droit d’épave, droits honorifiques… Le seigneur abbé était aussi détenteur du droit de boucherie: il y en avait quatre dans l’étendue de sa juridiction dont une à Dieulivol, qui était affermée. Le greffe est aussi affermé. 

La plupart du temps, un contrat d’afferme générale des revenus de l’abbaye est conclu. Les fermiers de l’abbé se chargent de la perception des lods et ventes, des cens et rentes, et la levée des dîmes leur est aussi confiée. L’abbé se contente de recevoir le montant du fermage fixé forfaitairement dans le contrat. Le bail est en général conclu pour une durée de six ou de neuf ans. L’ensemble de la seigneurie peut être remise à un seul fermier ou à plusieurs personnes associées. En principe les fermiers sont retenus à l’issue d’une procédure d’enchères et le bail est délivré au meilleur enchérisseur. Dans les paroisses de la juridiction et dans les villes voisines (Monségur, Duras…) on procède donc à la publication d’affiches sur lesquelles sont énoncées la liste des biens et des revenus de l’abbaye qui font l’objet du bail à renouveler, ainsi que la date du début du bail et sa durée. La plupart du temps les fermiers sont des notaires, des marchands et des cultivateurs habitant dans la juridiction de Saint-Ferme ou dans les juridictions voisines.
Les dîmes sont affermées à des habitants de la juridiction (notaires, marchands, laboureurs…) qui vont ensuite les sous-affermer à d’autres. Cela aboutit parfois à la conclusion de contrats en cascade. Ces contrats portent sur la dîme d’une ou de plusieurs paroisses avec des réserves dans la plupart des cas comme en attestent les archives notariales. En principe la perception des dîmes est comprise dans les contrats d’afferme générale des revenus de l’abbaye.
Le juge de Saint-Ferme faisait chaque année proclamer le ban des vendanges. Il rappelait qu'il était défendu de cébuter les vendanges avant la Saint-Michel (le 29 septembre). Il était chargé d'assurer la défense des droits seigneuriaux. Ceux-ci constituaient un enjeu économique important pour le seigneur abbé. On trouve dans les archives de la justice seigneuriale de nombreux procès pour arrérages de cens au terme desquels les tenanciers sont condamnés. Le non paiement des rentes occasionnaient aussi de fréquentes affaires notamment les rentes dues au seigneur abbé par les propriétaires des moulins sur le Drot - dont celui de Gallaud -  ainsi que le non-versement du fermage à ces derniers par les meuniers. Les tenanciers de l’abbé étaient astreints au paiement de droits de mutation : l’acapte dû à la mort du seigneur ou à celle du tenancier et l’exporle dû à chaque mutation de seigneur ou de tenancier. Les lods et ventes et l’exercice du droit de prélation étaient aussi à l’origine d’un contentieux important. devant la justice seigneuriale. 



 Benoît Pénicaud - L'Histoire de Dieulivol

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